make it count


crédits rememberhope - nenes

Charly franchit le pas de sa porte aux alentours de minuit. A cette heure tardive, pas un bruit ne se faisait entendre dans l'immeuble, bien que quelques exclamations venant de dehors étaient perceptibles. Avant toute chose, la demoiselle attrapa une bière dans son frigo et s'affala sur son canapé. Après une journée de travail à servir des bières et autres cocktails, il n'était pas rare qu'elle-même en veuille une également. Elle but une longue gorgée avant de fixer son regard sur la télévision éteinte. Sa soirée avait été étonnamment calme. Le Creek's Bar possédait bien sur une longue liste d'habitués qu'elle connaissait très bien au vu du fait qu'elle y travaillait depuis presque quatre ans. Cependant, rien ne l'avait beaucoup intéressé ce soir - même pas les récits complètement délurés d'un vieux client nommé Hunter qui prétendait avoir été chasseur de primes. Non, ce soir, rien n'avait attiré son attention. Bien sur, cela était rare, mais tout de même, ces moments de latences étaient particulièrement énervants. C'est pourquoi, loin d'être fatiguée, la jeune blonde finit sa bière d'une traite et entreprit d'écouter un vinyle qui l'a bougerait un tant soit peu. Aussi fouilla-t-elle dans sa modeste collection. Bob Dylan? Trop nostalgique. Jimi Hendrix? Pas assez. Charly mit finalement la main sur le vinyle qui l'intéressait, Pearl. Un sourire aux lèvres, elle le sortit avec précaution de sa pochette et posa le disque sur la platine.

Lorsque le diamant toucha le dit disque, un crépitement se fit entendre et les premières notes de Cry baby sortirent de l'appareil. Cette chanson agissait comme un médicament sur elle lorsqu'elle n'avait pas le courage de faire quoique ce soit. Ses lèvres se mirent à bouger d'elles-mêmes pour former les mots qui étaient chantés, elle ferma les yeux et fut soudain transportée vers une autre époque qui la faisait rêver. Une époque où les virées en voiture s'éternisaient sans difficultés, où les bars étaient fréquentés par des chanteurs et par des groupes qui révolutionneraient la musique, où les relations étaient plus faciles et plus intéressantes qu'aujourd'hui. Lorsque la chanson se finit et qu'une autre débuta, Charly alla prendre une douche, puis enfila des vêtements plus confortables - un short et un sweat. Puis, elle retrouva sa place dans le canapé rouge qui ornait son salon et saisit la commande de la télévision. Tout en zappant distraitement, la jeune femme saisit le paquet de chips qu'elle avait ramené auprès d'elle plus tôt et s'apprêta à l'ouvrir lorsque la poignée de sa porte s'abaissa à plusieurs reprises. Quelqu'un essayait décidément d'entrer et il ne fallut pas longtemps pour qu'une clé tourne dans la serrure et que la porte s'ouvre à la volée, laissant une Charly surprise s'enfoncer dans son vieux sofa.

Aux alentours de vingt et une heure, Sam avait été appelé en urgence par une cliente dont le lave-vaisselle fuyant inondait progressivement sa cuisine. Après avoir raccroché, et ce pendant quelques minutes, le jeune homme hésita à se lever de son canapé pour lui venir en aide. Il y avait un reportage sur les chimpanzés à la télé, et contre toute attente, il n’avait pas réussi à décrocher ses yeux de l’écran depuis qu’il avait lancé le programme. Soupirant de lassitude, celui-ci avait tout de même finit par revoir ses priorités et s’était engouffré dans sa voiture avant de conduire jusqu’au domicile de cette nouvelle victime de l’électroménager. Ces dernières étaient plus nombreuses qu’on ne pouvait l’imaginer. Parfois même téléphonaient elles sans véritables mobiles avec pour seul objectif celui de faire des avances à Sam qui, selon ses humeurs, les acceptaient volontiers ou les repoussaient avec rudesse. Celle de ce soir avait réellement un problème et le jeune homme avait été ravi de le constater. Il ne se sentait pas d’humeur à faire des folies pour le moment.

Tandis que la propriétaire des lieux vaquait à diverses occupations, Sam était couché sous les plans de travail, une clé à molette dans une main et l’autre serrée autour des canalisations. Il ne parvenait pas à trouver l’origine de la fuite, tout lui semblait en parfait état. Or, de l’eau s’écoulait bel et bien, comme en témoignait son t-shirt à présent trempé dans le dos. Les sourcils froncés, il commença à dévisser un écrou qui lui semblait être placé au mauvais endroit. Mais alors qu’il s’apprêtait à le retirer, un geyser d’eau glacée lui explosa au visage, imbibant ses cheveux et l’aveuglant jusqu’à ce qu’il ne remette la vis en place. Il serra si fort que la fuite initiale sembla également freinée. Exténué, et tout ruisselant d’une eau qui n’était pas de la première fraîcheur, Sam resta allongé quelques instants à même le sol avant d’enfin se remettre sur pieds. Lorsque sa cliente vint à sa rencontre, elle porta deux mains à sa bouche, visiblement stupéfaite. Quelques minutes furent dédiées à un débat dans lequel la jeune femme tenta vainement de le convaincre d’enfiler des vêtements de rechange, puis, Sam fut enfin payé et pu reprendre le volant de sa voiture.

Il regarda l’heure sur le tableau de bord. Le cadran affichait une heure moins le quart. Décidément, le temps avait filé à une vitesse incroyable. Lui qui avait cru pouvoir s’arrêter au bar en sortant s’était complètement fourvoyé. Cependant, il n’avait aucune envie de retourner chez lui, où il n’aurait plus rien à faire à part se mettre dans son lit pour dormir jusqu’au lendemain. Sam détestait gaspiller les heures durant lesquelles il n’avait pas sommeil et avait donc toujours l’occasion de s’adonner à une quelconque activité. Ainsi, il prit la direction de l’appartement de Charly, qui comme lui, ne dormait probablement pas. Il gara sa voiture en face de l’immeuble et s’élança à l’intérieur de celui-ci en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les voisins. Il monta les quatre étages en n’escaladant qu’une marche sur deux, ce que lui permettaient ses longues jambes, et s’arrêta devant la porte 316. C’était là que son amie vivait, et depuis le couloir, il pouvait entendre le son ténu d’une télévision allumée. Tendant le bras au dessus de l’encadrement, Sam passa ses doigts le long de la surface boisée jusqu’à rencontrer le froid métallique d’une clé. Il porta celle-ci au niveau de la serrure puis la tourna deux fois sans prendre la peine d’annoncer son identité. Il grelotta de froid en refermant la porte derrière lui une fois à l’intérieur.

Il était toujours trempé jusqu’aux os mais heureusement, Charly semblait avoir pensé à allumer son chauffage pour une fois. Il s’avança vers celle-ci, crispée dans un coin de son canapé, un paquet de chips dans les mains. Sam s’assit à côté d’elle et s’empressa de lui prendre la télécommande des mains pour vérifier que le reportage sur les singes était bel et bien terminé. Il ne fit aucun commentaire sur le fait que son état nécessitait probablement quelques explications et posa ses pieds sur la table basse. « Tu me passes des chips ? » Demanda-t-il, la main tendue sans quitter l’écran des yeux.

Charly regarda Sam passer la porte d'entrée, traverser son appartement et s'assoir à côté d'elle, comme si cela était tout à fait naturel. Et ça l'était quelque peu car les deux ne cessaient d'aller chez l'un ou chez l'autre sans prévenir, à n'importe quelle heure et cela était devenu une habitude. Aussi Charly ne fut plus surprise de voir quelqu'un dans son appartement mais elle le fut par l'apparence de son ami. Ce dernier était trempé et ses cheveux n'avaient plus l'apparence négligée qu'ils affichaient d'habitude. La demoiselle le regarda intriguée. Il lui paraissait peu plausible que Sam avait voulu adopté un nouveau style consistant à se mouiller entièrement le visage dans un quelconque but. De plus, il faisait parti du genre de personne qui ne passe pas des heures à peaufiner une tenue avant de mettre un pied hors de chez eux.
▬ Tu me passes des chips ?
Ces interrogations avaient presque fait oublier à Charly ce qu'elle faisait avant cette fameuse entrée. Elle regarda le paquet de chips qu'elle tenait fermement dans les mains comme si elle n'avait pas la moindre idée de comment il avait pu s'y retrouver et, reprenant ses esprits, le lui tendit. Sam le saisit et entreprit de l'ouvrir. Constatant qu'il ne comptait pas prendre la parole en premier, Charly lui posa la question qui l'intriguait depuis qu'elle l'avait vu franchir le seuil de sa porte d'entrée.
▬ Une canalisation a sauté chez toi ou tu as juste décidé de prendre une douche habillé?
Puis elle sourit, partagée entre l'amusement et l'étonnement. Elle se leva pendant que le jeune homme cherchait une chaine qui lui conviendrait - ce qui pouvait ne jamais arriver, tout simplement. Après s'être dirigée jusqu'au frigo, elle saisit deux petites bouteilles vertes et en donna une à l'éponge qui se trouvait sur son canapé. Elle adopta un air faussement choqué et lui demanda la chose suivante tout en se rasseyant:
▬ Oserais-je avancer l'hypothèse d'un verre reçu en pleine figure par une quelconque demoiselle peu encline à te parler?
Bien sur, cela était peu probable car les techniques de Sam étaient minimales et aucune ne pouvait le mener à cela: soit on venait vers lui, soit il se montrait charmeur sans pour autant entrer dans l'exagération. Et il faut dire que pour ce que Charly en savait, elle lui réussissaient bien.

Sam sentait le regard de son amie posé sur lui et pouvait presque entendre le flot de questions qui se bousculaient dans sa tête et qu’elle brûlait de lui poser. En effet, il y avait de quoi se questionner à son sujet, mais le jeune homme n’avait pas eu la moindre envie de se lancer dans des explications à peine vautré sur le canapé, non, il allait prendre son temps avant d’avouer que ce qui ressemblait à s’y méprendre à une aventure nocturne pleine de rebondissements n’était en fait qu’une histoire de canalisations défectueuses. Charly lui tendit enfin son paquet apéritif et Sam entreprit de l’ouvrir, pinçant les deux bords de plastique avant de les éloigner progressivement l’un de l’autre. Il le fit avec le plus de délicatesse possible même si la nature ne l’avait pas vraiment doté de cette présente caractéristique, dans l’espoir de ne pas mettre des miettes dans tous les coins. Il plongea une main à l’intérieur et fourra dans sa bouche une pleine poignée de chips qu’il croqua bruyamment. Les doigts de son autre main pianotaient furieusement sur les boutons de la télécommande. « Une canalisation a sauté chez toi ou tu as juste décidé de prendre une douche habillé? » Lui demanda la jeune femme alors qu’il grognait d’impatience face aux émissions désastreuses qui défilaient devant ses yeux les unes après les autres.

Sans détourner son regard hypnotisé de l’écran lumineux, Sam tourna toutefois légèrement la tête vers Charly et répondit presque sans articuler : « J’ai eu un truc tardif à faire. » Il avait dans l’idée de se montrer à la fois évasif mais intentionnellement sournois, dans le simple but d’envoyer de fausses images à l’esprit de la jeune femme. Ce n’était pas qu’il avait envie de la rendre jalouse, ou qu’il appréciait leurs querelles, mais quand celles-ci se déclenchaient, il avait l’impression que quelque chose d’énorme était provoqué entre eux et que ce quelque chose avait de l’importance. Il remarqua qu’elle se levait, et détacha enfin son attention de la télévision, envoyant la télécommande de l’autre côté du canapé. Il vit qu’elle ouvrait le réfrigérateur et en sortait deux bières, ce qui lui procura un réconfort immédiat. Lorsqu’elle lui en tendit une, il allongea le bras volontiers et la décapsula d’une simple pression du pouce. Certains diraient qu’il s’agissait là d’une question d’habitude, et c’était probablement le cas. « Oserais-je avancer l'hypothèse d'un verre reçu en pleine figure par une quelconque demoiselle peu encline à te parler? »

Le jeune homme eut un bref éclat de rire. Après avoir épanché sa soif en avalant deux rapides gorgées, il se tourna entièrement vers son interlocutrice qui venait de se rasseoir à ses côtés. Visiblement, la conversation était engagée. « Tu envisages toujours le pire, n’est-ce pas ? » Demanda-t-il en fronçant le nez. Tranquillement, il sortit un paquet de cigarettes d’une poche de son pantalon et fit la grimace lorsqu’il vit que le carton était tout humide. Il en sortit une et jeta le paquet sur la table qu’il heurta dans un bruit mat. Si Charly en voulait une, elle n’avait qu’à se servir. « T’as du feu ? » Questionna-t-il, l’air amusé. Ce n’était pas vraiment là une façon de changer de sujet, mais ça y ressemblait grandement. « C’est une simple histoire de lave-vaisselle Charly, mais si tu as des doutes tu peux toujours engager un détective privé. »

▬ J’ai eu un truc tardif à faire. Bien sur, le jeune homme avait toujours beaucoup de choses à faire, qu'elles soient tardives ou non d'ailleurs. Cependant, le mot fourre-tout qu'est truc signifiait souvent fille et l'air évasif qu'affichait son ami suffisait à faire comprendre à Charly que cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'une fille qu'il aurait pu mettre dans son lit. Tout deux se connaissaient depuis cinq ans maintenant et l'attitude de Sam avait parfois quelque chose de prévisible, surtout lorsqu'il s'agissait de mettre en rogne la demoiselle. Oh, bien sur, ce n'était pas toujours le cas, elle se faisait prendre au piège bien trop souvent à son goût, mais néanmoins, lorsque la conversation prenait cette tournure, Charly allait souvent dans son sens, de façon délibérée ou non, et presque toujours leur discussion prenait une tournure quelque peu déroutante. Leur relation avait en effet quelque chose de parfois particulier. Ils étaient réellement devenu une habitude l'un pour l'autre, ils n'avaient pas besoin de combler les blancs et ils pouvaient très bien passer plusieurs jours d'affilés ensemble sans pour autant se taper dessus. Pourtant, bien qu'ils aient toujours étés au courant des histoires, sérieuses ou non, de l'autre, ils se les reprochaient mutuellement sur un ton faussement amusé. Du moins pour Charly car ses sentiments à l'égard de Sam restaient confus et elle se demandait souvent si ce dernier avait pu le deviner.

▬ Tu envisages toujours le pire, n’est-ce pas ? Charly rit. Évidemment, c'était loin d'être le pire scénario qu'elle pouvait envisager, mais ça l'était peut-être pour lui, après tout. Toujours sans un mot, elle but quelques rasades de sa bière avant de poser ses yeux sur Sam, les cheveux toujours dégoulinants. En fait, peut-être que ses sentiments n'étaient pas aussi confus qu'elle voulait bien se le laisser croire, mais c'était probablement plus facile ainsi. Elle le connaissait, elle se connaissait. Semer le trouble dans son esprit était un jeu d'enfant pour lui, qu'il le veuille ou non. Lorsqu'il était saoul, c'était même pire car alors, ce qu'il pouvait parfois lui dire avait le don de la laisser pantoise.

▬ Ça arrive à tout le monde, crois moi, mais je comprends si jamais tu veux en parler, bien sur.. Elle afficha un sourire narquois. Bien sur qu'elle se fichait de sa tête, c'était tellement tentant de lui rendre la pareille. Elle lui tendit son briquet lorsqu'il lui demanda et entreprit de prendre une cigarette du paquet à peine déposé sur la table basse. ▬ C’est une simple histoire de lave-vaisselle Charly, mais si tu as des doutes tu peux toujours engager un détective privé. Elle ne tourna pas la tête vers lui et tira une longue bouffée sur sa cigarette avant de lui répondre.
▬ Lave-vaisselle ou pas, tu es libre de faire ce que tu veux. Et franchement, ça me ferait mal de payer pour un détective alors que tu me dis tout ce que je veux savoir, pas vrai? Elle lui lança le regard grossièrement imité d'une jeune fille aux abois qu'elle avait vu dans un soap ridicule plus tôt dans la journée avant d'afficher un air sérieux. ▬ Et je tiens à ce que tu me tiennes au courant si jamais tu reçois un verre en pleine figure. Tu ne voudrais pas me priver d'un fou rire.

La jeune femme en profita pour se jouer de lui un moment, en réponse à ses propres plaisanteries. Un léger sourire flottait sur les lèvres de Sam, dont il était incapable de provoquer le départ. Même s’il avait toujours apprécié cette ambigüité entre Charly et lui, c’était ces derniers temps qu’il avait le mieux pu mesurer l’étendue de l’affection qu’ils se portaient. De véritables amis seraient détachés des histoires de cœur de l’un et de l’autre, sans toutefois se confondre totalement dans l’insouciance. Mais entre eux, c’était différent, ce qui suggérait, pour le jeune homme du moins, qu’ils n’étaient pas amis. Qu’ils étaient vraisemblablement plus que ça. Quelques minutes s’écoulèrent durant lesquelles ils ne firent qu’aspirer les extraits concentrés de leurs cigarettes quand ils n’absorbaient pas de longues rasades de bière. Le silence n’était jamais pesant entre eux sauf lorsqu’ils luttaient l’un contre l’autre pour savoir qui des deux serait le premier à le briser. Cependant, ce que la télévision diffusait présentement ne leur permettait pas d’être muets très longtemps. « Lave-vaisselle ou pas, tu es libre de faire ce que tu veux. Et franchement, ça me ferait mal de payer pour un détective alors que tu me dis tout ce que je veux savoir, pas vrai? »

Elle s’était entièrement tournée vers lui et tenait entre ses doigts sa cigarette d’où s’élevaient de fines fumerolles blanchâtres. Sam les observa distraitement jusqu’à reporter son attention sur le visage de la jeune femme, campant approximativement le rôle d’une quelconque héroïne de séries hollywoodienne. Il secoua la tête de gauche à droite, l’air amusé. « Et je tiens à ce que tu me tiennes au courant si jamais tu reçois un verre en pleine figure. Tu ne voudrais pas me priver d'un fou rire. » Ajouta-t-elle, narquoise. Alors qu’il allait répondre, après s’être encouragé d’une énième gorgée de liquide, ses yeux se posèrent sur la pochette d’un disque de Janis Joplin abandonnée nonchalamment sur la table basse. Une vague de gratitude l’enveloppa. Ces deux là étaient trop semblables et trop proches à la fois pour se tourmenter éternellement en futilités. Sam se perdit dans un soupir, écrasa sa cigarette sous la semelle de sa chaussure et l’envoya directement dans le cendrier en visant correctement (pour une fois). « Je te le dirais, Charly. » Acquiesça-t-il avec mélancolie.

La relation de Sam et Charly n'était pas aussi compliquée aux yeux de leurs amis. En effet beaucoup pensaient que ce n'était qu'une question de temps avant que ces deux-là ne finissent ensemble, point. Pour certains c'était même inévitable et cette relation n'était qu'une autre qui allait voir naitre un nouveau couple. Cependant, le comportement de l'un des deux pouvait parfois les faire douter, car il est clair qu'on ne se comporte pas comme ça avec la personne qu'on essaie de conquérir. Seulement, leurs amis n'avaient pas une vision correcte de leur relation car ils y étaient extérieurs. Ce qui était évident aux yeux d'autres personnes étaient loin de l'être aux yeux des deux personnes concernées - du moins était-ce trop dur à avouer, ou peut-être que c'était mieux ainsi. Ils savaient tous les deux qu'ils jouaient, qu'ils se cherchaient continuellement et que ce jeu pouvait durer éternellement si l'un deux ni mettait pas un terme. Mais n'était-ce pas tout simplement plus amusant comme ça? Bien sur, certaines fois Charly avait eu envie d'y mettre fin en arrêtant simplement de se comporter comme ils le font depuis un certain moment. Certaines fois elle aurait préféré ne pas avoir à subir les rencontres fortuites avec les conquêtes d'un soir de Sam lorsqu'elle n'était pas dans sa meilleure forme ou même ne pas avoir à supporté ses phrases énigmatiques, dont il usait souvent, et qui voulaient à la fois tout dire et ne rien dire. Mais ils étaient tous les deux conscients de cette situation et pourtant ces derniers temps leurs conversations évoluaient dans une direction nouvelle.

▬ Je te le dirais, Charly. Les paroles de Sam avaient été précédées d'un soupir et son visage affichait une expression nostalgique qu'elle lui connaissait de plus en plus. Charly perdit le fil de ses pensées. Une direction nouvelle. Peut-être devait-elle elle-même faire quelque chose. Mais quoi? La jeune femme était de toute façon trop fière pour faire un quelconque premier pas, peu importe la direction, peu importe si il ne s'agissait que d'une phrase à prononcé ou d'un geste à faire. Elle était trop fière, trop bornée. A vrai dire, si il lui annonçait qu'il ne voulait plus jamais lui parler, elle se contenterait de le virer de son propre chef de son appartement, même si cela la blesserait profondément, juste pour faire bonne figure.

Ainsi, plutôt que de faire quoique ce soit, elle décida de poser une simple question. Après tout, si lui même avait envie de parler de quelque chose en particulier, il pouvait le faire.
▬ Pourquoi ce changement soudain de ton?
Puis elle tira une dernière bouffée de sa cigarette avant de l'éteindre à son tour.