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Leonora Vera Milosevic

somebody that i used to know

Comment sont tes relations avec tes parents ? Je les adore, je leur parle une fois par jour en moyenne, parfois plus, parfois moins. Cela dépend du temps que j'ai. Mais comme mon père a décidé de s'acheter un Ipad dernièrement et que je traîne mon Mac avec moi partout où je vais, il est possible d'éviter les frais de longue distance avec Facetime. C'est quoi ton but dans la vie ? Seulement faire ce que j'aime, ce que je fais déjà. Je ne sais pas du tout ce que j'attend de la vie, en fait... T'es amoureux en ce moment ? Seulement avec mon job... C'est quoi tes pêchers mignons ? Les boutiques d'antiquaire sur la côte Est. Il y en a par millions, et ils ont des petits bijoux que l'on sous-estime. Que penses tu de Madison Creek ? J'adore cette ville, l'ambiance est géniale et les gens sont, pour la plupart, des amours. Comment te vois tu dans 10 ans ? Aucune idée. Je vis un projet à la fois.

where have you been

M'étaler sur ma vie n'a jamais été un plaisir. Je préfère me limiter lorsque je parle de moi. Certes, j'aurais beaucoup de choses à dire, beaucoup de choses à raconter, mais je dois condenser. Je suis née il y a trente-deux ans à Belgrade, en Serbie. Les choses n'allaient pas nécessairement pour le mieux dans ce coin de pays. L'on ressentait encore les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale ainsi que de la période qui avait suivit. Mon père était un avocat pour la Couronne et ma mère possédait une pharmacie. Ayant fait des études en France, elle avait réussi, en se battant contre de nombreux septiques, à faire ce qu'elle faisait le mieux: guérir les malades. Donc même si le pays était en crise, nous nous en sortions plutôt bien.
J'avais deux frères plus vieux lorsque je suis venue au monde, Aleksa et Isak. Le premier avait 5 ans de plus que moi, l'autre 3. Ils ont toujours été des amours avec moi, me protégeant et me traînant partout avec eux. Jusqu'à ce qu'ils deviennent assez vieux pour ne plus vouloir s'occuper de leur petite soeur. Alors ce fut à mon tour d'avoir une petite soeur de laquelle m'occuper. De 5 ans ma cadette, Helena arriva dans la famille. Enfant pleurnicharde et dérangeante, je la laissai plutôt aux soins de ma mère, essayant de créer un pacte avec mes frères. S'ils s'occupaient de moi, je m'arrangeais pour que nous n'ayons jamais Helena dans les pattes. Même si Aleksa trouvait cela injuste pour Helena, il n'endurait plus ses pleurs. Elle passait son temps à hurler, à crier, à pleurer toutes les larmes de son petit corps. Le répit ne venait jamais, même pas la nuit. J'avais mis ça sur le dos de la capricieuse Helena, qui avait toujours faim, toujours soif, toujours envie d'être dans les bras de quelqu'un. Ma mère était sur le bord de la dépression quand Helena se mit à faire de la fièvre. C'était infernal. On l'amena à l'hôpital et alors que mes frères et moi nous occupions en jouant à la cachette un peu partout dans l'édifice, ma mère apprit que sa cadette avait une tumeur au cerveau. Opérer un enfant en bas âge ainsi n'était pas facile, et les chances de survies n'étaient pas grande. Mes parents décidèrent quand même de tenter l'opération, n'ayant rien à perdre. Toutefois, un problème avec l’anesthésie fit surface et Helena rendit la vie... Même si je n'avais jamais pris le temps de jouer avec ma petite soeur, de lui faire des grimaces pour la faire sourire, sa mort me fit un choc. J'avais six ans à l'époque, je comprenais le concept, mais je ne voyais pas pourquoi la mort s'acharnait sur un bébé qui venait à peine de naître. C'était injuste, totalement vide de sens. Helena n'avait rien fait à l'univers, sinon pleurer un peu trop...

La mort de notre jeune soeur nous affecta tous d'une manière très différente. Mon père passa plus de temps à la maison avec nous et m'amena au parc quand je le souhaitais. Ma mère, au contraire, se plongea dans son travail et pleurait lorsque je pleurais, riait lorsque je riais. Aleksa devint mon protecteur, à la minute où je voulais quelque chose, il s'arrangeait pour que je l'ai. Il était toujours là pour me faire plaisir et adorait me voir sourire. Quand à Isak, il se rapprocha de ma mère, s'endormant souvent près d'elle lorsqu'elle faisait une sieste dans l'après-midi.
Nous vécûmes dans cet étrange dynamique, qui pourtant, nous allait à merveille. J'allais à l'école du quartier avec mes frères, me faisant rapidement des amies. J'avais un tempérament de leader, bien que je sois recalée au troisième rang dans ma famille. J'avais beaucoup d'énergie et passait mon temps à vouloir jouer et courir. Je restais calme seulement que lorsque mes parents étaient présents. Tout allait bien, j'avais des bonnes notes à l'école et j'avais même trouver ce que je voulais faire plus tard: architecte. Mais la situation ne se déroula pas comme prévu. Alors que je faisais des demandes dans des universités, suite à mes années de lycée, la Serbie fut bouleversée par la Guerre du Kosovo. Mon père et mes frères avaient vu cette guerre venir et avaient donc tout préparer en conséquence, laissant moi et ma mère dans l'ombre. Toutefois, lorsque les rivalités devinrent insupportables et que les embargos de l'OTAN planèrent au-dessus de Kosovo, nous quittâmes le pays comme beaucoup d'autre. J'avais 19 ans à l'époque. Je remplis une valise du plus que je pouvais, puis nous quittâmes la maison pour le Canada. Il fallait aller le plus loin possible. Rester dans ce coin de pays n'était pas une solution, et puis le Canada avait de très bon programmes d'immigration, m'avait dit mon père. C'était une toute nouvelle culture, un tout nouveau pays, mais l'intégration fut rapide. De mon nouveau salon près d'Ottawa, j'écoutais la chaîne d'information pour savoir ce qui se déroulait dans mon pays natal. Lorsque j'appris que Belgrade s'était fait bombardé par l'OTAN, je passai la semaine qui suivait avec mes frères, à pleurer ce pays qui avait été nôtre et qui était maintenant l'ennemi international. Nous n'avions jamais voulu de mal à personne, mais c'était tout de même notre ville qui écopait des activités extrémistes.

Ma nouvelle vie au Canada ne fut pas si difficile. J'avais déjà une bonne base d'anglais et même si je dus refaire de nombreux cours avant de pouvoir entrer à l'université, j'y parvins. Par contre, lorsque vint le temps de choisir un programme, je laissai tomber l'architecture pour me diriger plutôt vers le design intérieur. Certes, c'était un programme qui demandait moins de notions mathématiques et physiques, mais qui développerait bien plus, à mon avis, ma créativité. Je n'avais pas envie de perdre mon temps à faire des calculs, je voulais créer. Je rencontrai des professeurs formidables et ainsi que des étudiants bourrés de talent. Si je n'apprenais pas aussi vite qu'eux sur un ordinateur, j'étais douée pour le dessin. Lors d'un stage de fin d'année, les professeurs organisèrent un voyage en Suède. Décidant d'y aller, ce fut la première fois que je retrouvai mon Europe natale depuis que je l'avais quitté. Certes, je n'étais pas de retour dans l'est du continent, mais cela me fit quelque chose. J'avais l'impression d'avoir perdues toutes mes racines et me sentait désabusé même si j'avais trouver une nouvelle voie, une nouvelle base sur laquelle me construire. Personne ne connaissait mon histoire avec la Serbie, personne ne m'avait jamais posé de question. Certains ne savaient même pas ce qui s'était déroulé au Kosovo, alors pourquoi perdre mon temps avec eux ? Je gardai ce sentiment pour moi-même et, une fois revenue au pays, racontai cela à Aleksa, qui lui avait trouvé une âme à laquelle s'attacher. Il allait se marier au printemps et j'étais fière de lui. Isak venait de trouver un emploi avec la garde côtière et allait quitter Ottawa pour s'installer plus à l'est dans le pays, près de l'océan. Notre vie reprenait un train normal, et c'était à moi de faire des choix. Mon père avait repris son métier d'avocat et gagnait le triple de ce qu'il pouvait faire en Serbie. Ma mère avait trouver un emploi en gériatrie après avoir fait des mises à niveau nécéssaire. Il ne restait plus que moi. À la sortie de l'université, qu'allais-je faire ? Souhaitais-je rester au Canada ? Toute l'Amérique du Nord m'était grande ouverte. C'est en glissant mon doigt sur la carte que j'ai trouvé une ville, au hasard. Madison Creek, une ville d'apparence calme, qui, je l'étais certaine, avait besoin de son lot de couleur. Arrivée en ville alors que j'avais 25 ans, j'achetai un local sur la rue principale et fit ce que j'avais toujours eu envie de faire: j'ouvris ma propre boîte de design. Travaillant à mon compte, je développai rapidement un réseau de contact et me retrouvai à faire de nombreuses cuisines, des colorations de tout genre et à dessiner des meubles sur mesures. Le bonheur pour une personne créative comme moi. Cela fait maintenant 7 ans que j'habite à Madison Creek, j'adore la ville et son ambiance, ses habitants sont, pour la plupart, des amours. Et même si je ne vois mes parents que très rarement, j'ai un forfait très avantageux pour les appels aux Canada.

Spoiler:

Bienvenue et bonne chance.
Si mon message dérange j'enlève (;