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crédits : Frankreich.

Sam Caulfield

somebody that i used to know

Comment sont tes relations avec tes parents ? Ma mère est morte quand j’avais dix ans et j’ai été élevé par mon père. Il n’était pas quelqu’un de bien mais je crois qu’il faisait de son mieux, entre ses séjours en prison et son alcoolisme latent, pour prendre soin de moi. Nous n’avons jamais été très proches. A ses yeux, j’étais là sans vraiment l’être. Les tâches ménagères se faisaient toutes seules, à l’instar du dîner. Jamais nous ne parlions d’elle, alors qu’en grandissant j’aurais aimé qu’on m’octroie quelques souvenirs à estimer, même si ce n’était pas les miens. J’explore parfois ma mémoire mais il ne me reste pas grand-chose. Âgé d’à peine vingt ans je l’ai quitté sans regret. Je ne me souviens même pas de l’avoir averti de mon départ, à ce moment là l’idée même de le mettre au courant m’avait semblé dérisoire. Il me téléphone de temps en temps, le plus souvent en début de semaine, pour prendre de mes nouvelles. C'est quoi ton but dans la vie ? Je n’ai jamais eu de but défini dans la vie car j’ai toujours fait en sorte que celle-ci se déroule sans que quoi que ce soit n’ait été planifié à l’avance. Je dirais que mon but est d’être libre et de le rester. Je ne supporte pas l’idée qu’un système, ou une quelconque notion de normalité puisse me contrôler depuis un endroit qu’il m’est impossible d’atteindre. Je suis toujours tenté d’enrayer la machine. Je refuse qu’on me dicte quoi que ce soit, qu’on me mette des bâtons dans les roues où qu’on me laisse croire à une fausse réalité alors que j’y mets toute ma volonté. Toutes mes convictions sont basées sur l’édifice d’une existence exaltée et sauvage. J’ai entendu quelqu’un, un jour, appeler ça la soif de vivre. Je voudrais la garder le plus longtemps possible. T'es amoureux en ce moment ? Être amoureux c’est quelque chose de précis et d’exclusif que j’ai encore quelques difficultés à expérimenter. Sans doute que le fait d’être un peu trop attaché à ma liberté me freine et m’empêche de franchir le pas. Je suppose que s’avouer être amoureux de quelqu’un impose que l’on se retrouve indéfiniment à deux, et quelque chose en moi a toujours rejeté cette idée. J’ai l’habitude d’être seul, de tout faire par moi-même sans aide et sans surveillance. Et surtout je ne me sens pas capable de me lier à une seule fille. J’ai souvent besoin de changements et d’évolutions, mais il y a Charly. Quand je suis avec elle je sens qu’il se passe quelque chose entre nous, au-delà de cette amitié née des cendres encore chaudes d’une haine qu’on a longtemps entretenue. C'est quoi tes pêchers mignons ? Les vieilles voitures, les gros bouquins, les voyages, les vieux disques de rock, l’air pur, les grandes étendues désertiques, les moments de silence, les films muets en noir et blanc, les chiens, l’aventure, les graffitis sur les murs, la forme des nuages, une pinte de bière, quelques cigarettes, les guitares. Que penses tu de Madison Creek ? Cette ville a été le début de mon véritable épanouissement en tant que personne. C’est ici que j’ai débarqué à l’âge de vingt ans après avoir quitté le domicile familial, situé à Asheville, pas très loin d’ici. C’est également ici que j’ai eu mon premier accrochage en voiture et que j’ai rencontré Charly. Ici que je suis plus ou moins parvenu à me faire une place. Je ne quitte Madison Creek que lorsque je pars sur la route, mais j’y reviens toujours. Depuis tout petit j’ai cette envie de faire le tour du monde qui me pousse à faire des tas de voyages. J’ai déjà visité pas mal de pays mais les dépenses en terme d’essence s’élèvent bien trop vite. Je suis conscient que les derniers déplacements devront se faire en auto-stop. Je ne crois pas que ce soit un problème. Surtout si Charly est avec moi. Il semblerait que les automobilistes s’arrêtent plus volontiers lorsque celui qui lève le pouce sur le bas côté est une fille. Comment te vois tu dans 10 ans ? Je pense que d’ici là, je serais mort. D’avoir trop vécu, peut-être. Je veux m’en mettre plein les yeux, plein les poumons, jusqu’à ce que mes rêveries m’emportent. Je n’y peux rien, je suis un utopiste. Je m’imagine que je pourrais faire ce dont j’ai envie jusqu’à la fin des temps et que rien ni personne ne pourra m’en empêcher. Une part de moi sait que j’ai tort, que ce sont là des illusions, mais c’est tout ce à quoi je suis capable de m’accrocher pour le moment. Dix ans, c’est long. On ne peut pas savoir ce qui est susceptible de nous arriver durant ce laps de temps. Je n’ai même pas envie d’être déjà au courant. Je pourrais être surpris.

where have you been



Les deux hommes sont accoudés au comptoir d’un bar. Ils auraient pu s’asseoir sur les tabourets mis à disposition, mais ils n’en ont rien fait. La discussion est plus animée que ne l’aurait souhaité Sam, qui n’a jamais apprécié le fait de parler de lui, ou de raconter des histoires le concernant ; sauf si celles-ci portaient sur ses voyages. Mais généralement, ce sujet-là était laissé de côté, à son grand désarroi. Visiblement les gens n’étaient intéressés que par de futiles anecdotes qu’il avait malencontreusement laissé échapper ici ou là. « Je ne sais absolument rien de toi, Sam, alors que je te connais depuis quoi… trois ans maintenant ? » s’offusque Caleb. Ledit Sam esquisse un sourire et pose lourdement son verre de bière sur la surface de bois, provoquant un bruit ténu. « Il n’y a rien à savoir, mon pote, tout ce qui importe c’est le présent. Qui je suis maintenant, ce que je veux faire de ma vie. Ces choses-là. » Caleb hoche la tête par la négative, légèrement bougon. « Je parie que Charly sait tous ces trucs-là. Tu passes ton temps avec elle, c’est un miracle quand on arrive à se trouver du temps. Vous êtes ensemble, quelque chose comme ça ? » Demande-t-il, sachant pertinemment que c’était là le genre de question qui déclenchaient des poussées d’urticaire à son camarade. « C’est pas tes affaires, vieux ! Mais pour ce que j’en ai à cirer de ce que tu saches ou pas ; non, Charly et moi ne sommes pas un couple. » Affirme Sam, l’air enjôleur. L’interlocuteur acquiesce péniblement. Il aurait voulu plus de détails, mais il sait qu’avec ce gars-là, ce n’est pas la peine d’insister. « J’aurais aimé te connaître quand t’étais môme, pour être apte à te remémorer aujourd’hui quelques souvenirs douloureux qui te flanqueraient une petite honte dont tu aurais bien besoin ! » Ricane le jeune homme, finissant sa bière d’une traite. « J’étais terrible. » Commença Sam, étrangement et brusquement plus enclin aux confidences. Il ne se laissait jamais aller à ce genre d’exercice mais quelque chose, à ce moment précis, lui disait que quelques confessions pourraient lui être bénéfiques. Au moins quelqu’un, dans ce monde, saurait ce qu’il en était de Sam Caulfield. L’idée était plaisante, semblant avoir quelques avantages. Détendu, il continua sur sa lancée. « J’ai été envoyé en maison de correction plusieurs fois. A l’âge de quatorze ans, on m’a arrêté pour vol à l’étalage puis à quinze pour vol de voiture. J’ai évité la prison de justesse. » Le silence se fait entre les deux hommes. Caleb écoutait attentivement. Ces moments étaient assez rares pour ne pas être gaspillés au nom d’une quelconque curiosité déplacée. « Tout ça c’est à cause de mon père. » Bredouille Sam, les yeux dans le vague. « Il m’a jamais montré que ça. Et c’est exactement ce que je ne voulais pas être, mais c’était plus fort que moi, il fallait que je cherche les embrouilles. Je me sentais…vivant. Plus vivant que jamais, en fait. C’est les voyages, et les détours en bagnole qui m’ont sauvé. Je sais ce que tu penses, mais je t’assures, t’as pas idée d’à quel point ce changement m’a été bénéfique. C’a été comme une sorte de thérapie. » Caleb secoue une nouvelle fois la tête, espérant néanmoins que le jeune homme en face de lui n’allait pas encore se perdre dans le récit de ses périples. Mais il est bien vite remis d’aplomb. « Et puis il y a Charly. Cette fille est une part de mon renouvellement, tu comprends ? Parfois j’ai juste envie de l’embrasser sous la pluie, de donner son nom à une étoile, de l’emmener au dernier étage de la Tour Eiffel à Paris pour qu’elle se rende compte à quel point on est minuscules, à quel point on ne représente pas grand-chose. Au fond je sais qu’elle n’ignore rien de tout ça, mais j’ai besoin de ce partage. Je… » Les deux hommes se jaugent du regard. « Quoi ? Ne me regarde pas comme ça, Caleb. » Grogne Sam, lui lançant une bourrade dans l’épaule.

Spoiler:

HEDLUND .

Bienvenue et bonne chance pour ta fiche.