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INDIA BLUEBERRY SINCLAIR

somebody that i used to know

Comment sont tes relations avec tes parents ? Je suis fille unique. Comme la plupart des personnes dans mon cas, mes parents m'ont plutôt choyés. Ils ont toujours voulu les meilleures choses pour moi. Quoique ce n'était pas si difficile de subvenir à mes besoins. Venant d'un milieu assez aisé, je n'ai jamais manqué de rien. En ce qui concerne mes rapports parentaux, je me suis toujours mieux entendue avec mon père. Mes parents se sont séparés quand j'avais 10 ans et je suis restée vivre avec lui. Ce genre d'évènement, ça rapproche et ça explique en quelque sorte l'hyper protection de mon père à mon égard. C'est quoi ton but dans la vie ? Mon but ? Le bonheur. C'est une réponse certainement trop connue et impersonnelle mais ça résume bien la situation. Je ne veux pas devenir une artiste, je ne veux pas gagner des millions que je n'aurai pas le temps de dépenser, je veux juste vivre les choses à fond, être heureuse et ne jamais regretter quoique ce soit. Il n'y a rien de pire que les regrets. T'es amoureux en ce moment ? Plus que ça, je suis fiancée. Et ça depuis trois ans. En fait c'est compliqué. On s'est fiancés puis on a rompu pendant une longue période et maintenant, nous sommes de nouveau fiancés. Est ce que vous arrivez à suivre ? La situation avec Josh a toujours été légèrement complexe. Vous savez, je suis bien le genre de fille à vouloir faire plaisir aux autres. En acceptant de me fiancer, c'est ce que j'ai fait. J'ai fait plaisir à mon fiancé et depuis, je panique. Parce que c'est aussi ce que je fais, paniquer quand ça devient trop sérieux. On dit bien que qui vivra verra. C'est quoi tes pêchers mignons ? J'ai plusieurs sortes de péchés mignons. Culinairement parlant, je dirai les sushis. Il n'y a rien de plus divin que la nourriture japonaise. Si nous sommes en froid, il vous suffira d'un plateau de sushi et vous serez pardonnés, entièrement. Mis à part ça, j'ai également énormément tout ce qui est sucré, particulièrement les bonbons. Que penses tu de Madison Creek ? Et bien, c'est ma ville natale. Je l'ai jamais quitté. Parfois, je rêve de grandeur, d'un endroit nouveau, inconnu où je ne serais pas reconnue pour les personnes qui forment ma famille, ou pire par rapport aux ragots qu'on raconte sur moi. Puis, d'autres fois, je me dis que je ne pourrais jamais quitter Madison Creek. C'est ici que j'ai grandi, dans ce parc là que j'ai longuement joué, dans ce café là que je commande le meilleur cappuccino que j'ai gouté. Bref, Madison Creek, c'est ma maison, c'est chez moi et il faut croire qu'il n'y a rien de plus rassurant que le vu et revu. Comment te vois tu dans 10 ans ? Je déteste me projeter dans l'avenir. A vrai dire, j'ai comme une phobie du temps qui passe et me fixer un objectif à atteindre après un certain laps de temps, ça me rend nerveuse. On ne sait jamais ce qui pourra se passer durant les 10 prochaines années, pourquoi avoir toujours ce besoin de tout prévoir ? C'est typiquement humain. Seulement, il faut se rappeler que l'imprévisibilité n'a jamais fait de mal à personne.

where have you been




Été 1994. J'avais six ans. Il faisait chaud, horriblement chaud. Papa et Maman venaient d'installer la piscine dans le jardin de la maison familiale et je passais mes après-midis à y enchaîner les plongeons. De loin, ils me surveillaient. Parfois, Papa venait nager avec moi, s'affairant à parfaire ma technique de nage. Je riais aux éclats, en profitant pour éclabousser le chien autant que possible. Maman souriait, son éternelle paire de lunettes mouche sur le nez et sculpturale comme toujours. Et je me souviens qu'on passait des heures dans ce jardin, pour finalement regagner la maison qu'à la tombée de la nuit. C'est autour de ces détails flous que s'organise mon plus beau souvenir d'enfance. Je dirais que je ne nous ai jamais vu aussi heureux tous les trois que cet été là. Ma famille a volé en éclats quelques années plus tard. J'étais jeune, et à l'époque j'ai eu du mal à comprendre ce qui se passait réellement. Papa étant le meilleur médecin de la ville, Maman et moi nous avons souvent du supporter son absence puis son humeur bougonne quand, enfin, on pouvait l'avoir parmi nous. Maman a fini par craquer. Elle supportait mal le fait d'avoir renoncé à sa propre vie, d'avoir quitté San Diego après ma naissance pour venir s'installer à Madison Creek et l'absence - mais surtout le désintérêt - de Papa fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Un matin, après une ultime dispute, elle est tout simplement partie. Deux ans plus tard, elle se remariait avec un avocat originaire de Chicago, ville où elle résidait désormais. Après son départ, je suis restée avec Papa. Ca n'a pas été simple d'affronter son absence mais ça a changé énormément de choses à la maison. Mon père a ralenti la cadence, me portant plus d'intérêt que jamais. Dès lors, ça n'a plus été que lui et moi. Il m'a toujours surprotégé face au monde, estimant que j'étais son bien le plus précieux. Je sais qu'il a toujours voulu ce qu'il y a de mieux pour moi et à vrai dire, je ne le remercierais jamais assez pour ça. Papa a fini par se remarier. J'avais 16 ans et voir Ellen emménager chez nous, à cet endroit même où Maman avait vécu, malgré les années, ça a probablement été une des choses les plus difficiles que j'ai eu à vivre. Il n'y a rien de pire que de voir de vieux souvenirs auxquels on s'accroche s'effacer pour être remplacés par de nouveaux. Avec le temps on s'habitue, et j'ai fini par accepter Ellen, en particulier pour Papa. Depuis le temps, il avait le droit d'être à nouveau heureux.

Je n'ai jamais été une enfant difficile. A vrai dire, j'ai plutôt été l'inverse. Sage, censée, respectueuse et tout ce que vous voulez. J'ai ce côté trop bien élevée que je tiens de ma mère. Quand j'étais jeune, on passait des heures dans la salle à manger et elle m'apprenait à me tenir correctement, le dos bien droit, à manger de manière très distinguée et elle était parvenue à me transmettre la grâce qui émanait d'elle. Ancienne danseuse, elle venait, bien plus que mon père, d'un milieu bourgeois où l'apparence féminine est extrêmement importante. Ainsi, je ne jure que très peu et m'excuse pour le moindre geste déplacé. Parfois, les gens pensent que je prends des airs, que mon éducation m'a rendu hautaine. C'est loin d'être le cas. Bref, tout ça pour dire que la gentille fille inoffensive qui n'a jamais fait de mal à personne, c'est moi. J'ai rien d'une mauvaise fille. La marginalité, je ne connais pas. Je suis plutôt du genre studieuse. En fait, je m'efforce à donner aux autres ce qu'ils attendent de moi. Jusqu'ici ça m'a toujours été plus positif qu'autre chose. Je pourrais me vanter d'avoir tout ce que je veux. Rapports familiaux très bons, études en bonne voie, fiancé parfait. Mais comme souvent, les apparences sont parfois trompeuses.

J'avais 13 ans quand j'ai rencontré Josh. Sa famille venait d'emménager à quelques rues de chez nous, dans notre quartier de South Land et ses parents se sont très rapidement liés d'amitié avec mon père. Pour cette raison, il passait beaucoup de temps chez nous, ses parents comptant sur moi pour l'aider à s'intégrer et à se familiariser aux habitants de Madison Creek. C'était drôle quand on y repensait, étant donné qu'il est âgé de deux années de plus que moi. Au départ, ça n'a pas été évident entre nous. Je crois bien qu'il me voyait en quelque sorte comme un poids, une gamine que ses parents le forçaient à se trimballer. Puis il a fini par rencontrer des jeunes de son âge et nous avons arrêté de passer du temps ensemble. On s'est réellement liés d'amitié que quelques années plus tard. C'est comme ça que ça a commencé. J'ai commencé à sortir avec lui quand j'avais 20 ans. Après quelques mois seulement, on se fiançait. J'étais jeune quand j'y pense et ces fiançailles étaient certainement le fruit de la pression émise par nos deux familles. Il venait d'une bonne famille et vice versa. Encore une fois, j'étais jeune et quand l'amour vous tombe dessus, vous êtes prêt à tout. Cependant, c'est plutôt compliqué entre nous. J'ai surtout accepté de me fiancer pour faire plaisir à Josh, à mon père et à ses parents. En fait, je n'avais jamais vraiment estimé la grandeur de la chose avant qu'on commence les premiers préparatifs de mariage. Le résultat de tout ça, c'est que j'ai paniqué comme toujours lorsque je ne contrôle plus la situation. Mon amour pour mon fiancé était réel certes mais j'avais cette nette impression que les choses allaient trop vite. Il l'a senti et, après une grosse dispute, on a rompu. Pendant cette période, Josh a quitté la ville, pour aller travailler ailleurs. Il est revenu, il y a un an et depuis, nous avons remis le couvert. C'est différent maintenant, la situation est différente. Il faut dire que j'ai grandi mentalement parlant et Josh est peut être la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Et pourtant c'est comme s'il me manquait constamment quelque chose, comme un appétit jamais entièrement assouvi mené par deux voix dont la plus criarde m'affirme que je fais probablement l'erreur de ma vie.

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